La gestion des déjections canines par la collectivité est un enjeu de propreté urbaine, d’hygiène, de qualité de vie et d'attractivité. Comment responsabiliser les propriétaires de chien afin que leur animal ne souille pas l'espace public ? Quels sont les équipements à mettre à leur disposition et les outils de dissuasion à déployer ?
Quelques chiffres sur les déjections canines dans l’espace public
Les déjections canines sont une forme de pollution urbaine qui affecte le cadre de vie des usagers, sur les trottoirs, dans les squares et jardins, sur les aires de jeux pour enfants… Comment les chiffrer ?
Des tonnes de déjections quotidiennes à Paris
À Paris, au début des années 2000, quelque 150 000 chiens produisaient 16 tonnes de déjections par jour. Depuis, le nombre de chiens de compagnie a doublé dans la capitale. Heureusement, toutes leurs déjections ne finissent pas dans la rue. La plupart des propriétaires de chien ont une attitude responsable et contribuent volontiers au maintien de la propreté de leur quartier.
Les quantités abandonnées à Nantes et à Bordeaux
Toutefois, la quantité de déjections abandonnées dans l’espace public reste conséquente.
À Nantes, ce sont 6 000 tonnes d'excréments qui sont retirées chaque année. Ce chiffre est néanmoins gonflé par les excréments recueillis dans les canisettes qui sont spécialement aménagés à cet effet.
À Bordeaux, deux agents parcourent la ville en caninette, une moto dédiée au ramassage des déjections canines. Ils comptent 1 tonne de déjections abandonnées chaque année.
Le coût des déjections dans le Grand Lyon
Sur la métropole du Grand Lyon, le traitement de ces déchets organiques requiert une dizaine de ces motos spécialisées pour traiter environ 40 tonnes de déjection. Le coût de l'opération se chiffre en centaines de milliers d’euros par an.
Décomposition du déchet et risque sanitaire
Une crotte de chien non ramassée peut souiller un trottoir et gêner les usagers pendant plusieurs mois. Tout dépend du climat, de la saison et de la météo. Dans les régions soumises à un froid extrême en hiver, la décomposition sera particulièrement lente. L’inverse est aussi vrai. La pluie est évidemment un facteur qui contribue à éliminer naturellement les excréments de la voie publique. Aussi, il est difficile d'estimer précisément le temps de décomposition d’une déjection animale.
Ce qu’il faut retenir, c’est que le processus se déroule en plusieurs stades et s’étale en moyenne sur 9 semaines. Sur ce laps de temps, les millions de bactéries contenues dans chaque gramme d'excréments présentent un risque sanitaire pour les personnes et les animaux en cas de contact. Par ailleurs, les niveaux d'azote et de phosphore élevés produits au cours de la décomposition sont nuisibles pour les espaces naturels.
Conséquences de l'abandon de déjections canines pour la collectivité
En résumé, les incivilités d’une poignée de propriétaires de chien :
- exposent la santé de tous les usagers ;
- nuisent à l’équilibre de la faune et de la flore locale ;
- affectent le bien-être et le cadre de vie ;
- monopolisent des agents municipaux en charge de la propreté ;
- grignotent le budget des collectivités ;
- et dégradent l’image de la ville.
Or, la dégradation de l'environnementurbain est un cercle vicieux. Si un square ou un jardin de lotissement est régulièrement souillé de déjections animales, les usagers respectueux des règles risquent de s'en détourner. Certains se laisseront aller à d’autres incivilités : jet de mégots, abandons d'autres déchets… Comment inverser la tendance ?
Comment agir contre les déjections canines non ramassées en ville ?
Les campagnes de sensibilisation, les équipements d’aide au ramassage et les aménagements dédiés font partie des solutions à mettre en place. Ces outils dissuasifs et incitatifs doivent aussi être complétés de sanctions concrètes.
Communiquer sur l'interdiction
Ramasser les déjections canines est une obligation encadrée par les dispositions du Code pénal, du règlement sanitaire départemental et des arrêtés municipaux.
Il est interdit d'abandonner ces déchets dans l'espace public. Cela inclut les espaces verts, y compris les bandes plantées et les pieds d’arbre, mais aussi les trottoirs et la voirie. Des panneaux explicatifs rappelant l'interdiction ainsi que les risques sanitaires et les délais de décomposition peuvent avoir un effet dissuasif lorsqu’ils sont placés à proximité des espaces régulièrement souillés.
Selon les localités, le maître qui laisse les déjections de son animal sur la voie publique encourt une contravention pouvant aller de 35 euros à plusieurs centaines d’euros. Augmenter le montant de l’amende et le faire savoir est une manière de rappeler les propriétaires à leurs responsabilités. C’est la stratégie adoptée l’année dernière par la municipalité de Roche-la-Molière dans la Loire, faisant passer l'amende de 35 à 350 euros.
Proposer des solutions dédiées
Une fois la règle rappelée à tous, il ne reste plus qu'à donner aux usagers les moyens concrets de la respecter. Les bornes de sac à déjection permettent à chacun de prélever facilement les déchets organiques. L'installation régulière de poubelles de ville sur la voie publique est encore un autre outil d'incitation au civisme.
En zones de forte densité urbaine, il est intéressant de mettre en place des canisites ou canisettes. Ces espaces ensablés sont dédiés aux besoins naturels des chiens domestiques. Les conditions et les coûts d'entretien de ces surfaces sont plus faciles à maîtriser pour la collectivité, par rapport aux ramassages aléatoires sur la voie publique. Sans compter le gain de confort pour les propriétaires et l'amélioration de la propreté urbaine pour tous.
Appliquer la sanction et le faire savoir
Communiquer sur l'interdiction et le montant de l'amende est une chose. Se donner les moyens d'appliquer la sanction en est une autre. Rappelons que l’amende encourue est prévue en cas de flagrant délit. Cela suppose la mise en place de contrôles réguliers et la plupart des maîtres indisciplinés passeront au travers des mailles du filet.
Une entreprise bordelaise a proposé une solution innovante pour agir après coup par analyse du déchet en laboratoire. La déjection permet en effet de prélever l’ADN du canidé. Si ce dernier a été déclaré en mairie, ce qui est par exemple obligatoire pour les chiens dangereux, alors il sera possible de retrouver le maître fautif.
Cette proposition avait été rejetée par la ville de Bordeaux, car jugée trop complexe et trop coûteuse à mettre en place. Elle aura néanmoins eu pour effet de remettre le sujet sur la table et de rappeler qu’il est toujours possible en théorie de retracer l'origine et de punir l'auteur de l'infraction. À Béziers, la mesure est en phase d'expérimentation jusqu’en 2025.